Lou Doillon — Places (2012) |

© Mathieu Zazzo/DR
Lou Doillon ≈ Places
Born: 4 September 1982 in Neuilly-sur-Seine, Paris, France
Location: Paris, France 
Album release: September 3, 2012
Record Label: Barclay
Duration: 40:15
Tracks:
01. ICU (4:04)
02. Devil Or Angel (4:05)
03. One Day After Another (3:51)
04. Defiant (3:16)
05. Same Old Game (2:49)
06. Jealousy (2:53)
07. Make A Sound (2:47)
08. Hushaby (3:35)
09. Questions And Answers (3:41)
10. Places (4:11)
11. Real Smart (5:03)
Website: http://loudoillon.fr/
Facebook: http://www.facebook.com/loudoillon

¶ Lou Doillon (born 4 September 1982 in Neuilly-sur-Seine) is a French model and actress. Her father is director Jacques Doillon and her mother is British actress and singer Jane Birkin.
Biography:
¶ On her mother's side she is the half-sister of Charlotte Gainsbourg and Kate Barry, and of Lola Doillon and Lily on her father's side.
¶ At the age of nine, her appearance was distinctive, with Indian leggings under short dresses, worn with Grateful Dead T-shirts and rollerblades, and long dreadlocks. By the time she was 11½, she had tattoos and a stud in her tongue.
¶ She gave birth to her first child, a son Marlowe Jack Tiger Mitchell, in 2002. She parted company with his father, musician Thomas-John Mitchell, less than a year later and went to New York.
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Lou Doillon: "La musique laisse plus de place à mon imaginaire"
¶ Par Gilles Médioni (L'Express), publié le 29/08/2012 à 11:30, mis à jour le 03/09/2012 à 10:27 
La fille de Jane Birkin et du metteur en scène Jacques Doillon sort ce 3 septembre son premier album, Places, réalisé par Etienne Daho. Un disque de folk hanté et habité.
Alors, vous chantiez ?
¶ Longtemps, cela a été mon jardin secret. Des chansons écrites en anglais, au creux de la nuit ou tôt le matin, à la guitare, dans ma cuisine. Elles n'étaient pas du tout destinées à sortir de ma maison. C'était des conversations avec moi-même ou avec la personne que je n'arrivais pas à toucher. Etienne [Daho] est un ami de la famille. J'allais mal. Maman lui a demandé d'écouter mes morceaux, il les a aimés et m'a proposé d'enregistrer un album. Je lui ai d'abord dit : "Non, je n'en ai pas la force. Si j'ai les épaules pour tenir toute la journée, c'est grâce à la musique. Cela doit rester un endroit caché où personne ne peut m'atteindre."
Et vous voilà pourtant chanteuse...
¶ Etienne m'a convaincue. Mais j'ai la trouille ! C'est tellement précieux pour moi. J'entends de gentilles choses sur ce disque... Jusqu'ici j'ai tourné dans 17 films, qui se sont tous plantés. Après l'échec de Blanche (de Bernie Bonvoisin, 2002), je n'ai reçu aucun scénario en France pendant dix ans. Je suis surtout connue comme "la fille de", "la soeur de". Dans la rue, on me lance : "Qu'est-ce que j'aimais ton père !" "Oui, mais en fait Serge n'est pas mon père." "Qu'est-ce que j'aime ta soeur !" "OK, je lui dirai." Ou bien : "Aucune de vous n'est aussi belle que ta mère." Alors, je rentre chez moi, et ça devient une chanson : Questions & Answers.
C'est un disque sur le manque affectif, les tourments, la souffrance. Mais votre mélancolie est joyeuse...
¶ Oui, oui. Ce n'est pas une mélancolie pleine de mort. Certains textes parlent de la noirceur de l'amour, j'ai quand même passé mon temps à être victime des hommes. D'autres paroles sont sorties quand je n'en pouvais plus de la notoriété de ma mère et de ma soeur. Un de mes amis m'a dit : "On dirait le chant d'une vieille âme." J'ai sans doute la voix de ces femmes qui ont un trop-plein de nuits blanches, de centaines de clopes dans les poumons, d'alcool, de tristesse... Petite, j'ai eu la chance de pouvoir tout observer sans jamais être vue et de comprendre très vite la nature humaine. Enfant, ma mère me trimbalait partout et m'oubliait partout. Je marchais toujours 5 mètres derrière elle, du coup j'entendais les éloges que lui faisaient les gens quand ils la croisaient et les commentaires méchants qu'ils lâchaient une fois qu'ils l'avaient dépassée.
Qu'en avez-vous retenu ?
¶ J'ai un recul fou. A 30 ans, j'ai déjà été mégahype, mégabankable, puis out, rehype, antihype, la lose, rehype. Mon dieu, s'il fallait s'en tenir à ça ! Ma mère pensait que je serais réalisatrice ou écrivain car je passe mes journées dans les cafés à observer les gens. Mais c'est la musique qui laisse le plus de place possible à mon imaginaire.
L'album s'appelle justement Places. Comment avez-vous trouvé la vôtre sur l'échiquier familial ?
¶ Difficilement. Entre maman, la beauté androgyne, et mes soeurs : Lola (Doillon), qui ressemble à Jessica Rabbit, Kate (Barry), la plus rock d'entre nous, Charlotte (Gainsbourg), la plus mystérieuse, la plus mystique... La dernière place qu'il me restait, c'était celle de la rigolote. A 5 ans, je jouais des claquettes sur la table en tutu rose fluo. Serge était mort de rire, il m'appelait Lili Marlene. Ensuite, comme je ne me trouvais pas jolie, j'ai pensé que, pour attirer l'attention, je ferais tout comme un mec. Que je serais une intellectuelle, curieuse de tout, que je lirais 10 000 livres et parlerais deux langues couramment. Adolescente, je portais des dreadlocks et j'avais des piercings sur la langue. Pour beaucoup, j'étais une ratée. La nuit, je dévorais John Milton (l'auteur du Paradis perdu).
Ce malentendu vous a finalement donné une force incroyable ?
¶ Oui. Je viens d'une famille où l'on ne montre pas ses faiblesses. L'autre jour, je discutais avec ma mère, qui, comme beaucoup de femmes de 65 ans, découvre la solitude, et je lui ai confié : "Moi, je ne suis pas tombée amoureuse depuis trois ou quatre ans. Je me prépare à finir seule." Je suis toujours dans l'anticipation totale. C'est pour cette raison que j'aime les actrices plus que tout, et qu'elles me font peur plus que tout...
C'est-à-dire ?
¶ Comédien est un métier crapuleux, qui ne se conçoit que sur le désir de l'attente. Ce n'est pas comme ça que je fonctionne. Je me suis piratée moi-même, en tant que comédienne ! Quand je passe un casting, je veux que ce soit entendu que tout ira bien si je ne suis pas retenue. Je n'ai pas besoin d'être aimée et regardée pour avoir envie de vivre, quoique je n'aie été élevée que par des actrices.
Vous avez déjà une vie bien remplie, et vous ne le devez qu'à vous-même.
¶ Ma copine Milla Jovovich m'a dit une fois : "Est-ce que tu as conscience de ton rapport au temps ? Tu es systématiquement dans l'urgence !" J'imaginais qu'à 30 ans j'aurais déjà tourné 40 films et eu 4 enfants. C'est de l'ordre de la névrose. Je m'en rends compte aujourd'hui. J'en parlais avec mon fils Marlowe, qui a 10 ans. Il venait de rater un match de foot et était désespéré. Je lui ai assuré : "Tu verras combien l'on apprend de ses échecs. Tout reste à faire." Moi, j'ai dû me gérer à bras-le-corps, gérer mon insuccès. A une époque, j'étais même fichée à la Banque de France parce que les impôts bloquaient mes comptes. Ils ne comprenaient pas comment une fille Gainsbourg pouvait être fauchée. Mais j'étais la fille du "mauvais père". L'empire, c'est Gainsbourg-Birkin, un empire à tous les niveaux, financier, moral, de notoriété. Heureusement, je ne me suis jamais perdue. J'ai commencé à boire de l'alcool il y a quatre ans seulement. Et dire qu'on m'a labellisée rock'n'roll !
A cause de votre tempérament ?
¶ J'étais différente. En France, on confond rock et atypique. Je n'ai jamais supporté l'uniforme familial - jean-tee-shirt blanc-Converse. J'étais excentrique.
Qu'est-ce que Places vous a appris sur vous ?
¶ Lorsqu'on a eu terminé l'album, Etienne m'a chuchoté à l'oreille : "Tu n'auras plus jamais besoin de séduire, maintenant." Cette phrase m'a travaillée durant des mois.
Pourquoi ?
¶ Par rapport au métier d'acteur. C'est le jeu de la séduction qui me bloquait le plus, en tant que comédienne ou mannequin. Avec la chanson, j'ai enfin pu faire quelque chose qui soit libre de toute idée de séduction. D'ailleurs, c'était davantage des cris de guerre... J'ai un rapport païen, charnel, violent à la musique. Je pense qu'on va me découvrir différemment. La photo du single I.C.U, le clip, sont volontairement flous. Je devais passer par ce flou pour que chacun puisse se faire une image plus nette de moi.
On vous verra bientôt au cinéma dans Un enfant de toi, réalisé par Jacques Doillon, votre père.
¶ C'est l'histoire branque, mais réaliste, d'une fille qui décide d'avoir un bébé avec son amoureux, mais qui demande avant à son ex, avec lequel elle a eu un enfant, s'il est d'accord. J'avais déjà tourné dans deux films avec Jacques, mais j'étais alors dans la position d'une fille face à son papa. Là, c'était une rencontre entre deux artistes. Du coup, le dernier jour de tournage fut le pire de mon existence ! Je venais de passer des semaines extraordinaires, je me suis dit à quoi bon continuer ce métier si c'est pour ne plus jamais vivre un tel bonheur ? Jacques aussi semblait content. Il m'a posé un bisou sur le front, ce qui chez lui revient à une déclaration d'amour de 600 pages. Et, sachant que ma mère est bien plus sentimentale, il lui a envoyé un texto en lui disant combien il était fier de moi. Et maman, bien plus vicieuse que lui, me l'a "forwardé". En même temps, je ne peux pas penser une seconde qu'il l'ait crue capable de garder un secret...
¶ Places (Barclay) sort le 5 septembre. En concert à La Flèche d'or les 24 et 25 octobre.
¶ Un enfant de toi, de Jacques Doillon sort le 26 décembre.
(Fortaken: http://www.lexpress.fr) 

Biographie:
¶ On pensait connaître Lou Doillon, mais on ne savait pas tout. “J’avais les meilleures raisons du monde de ne pas me lancer dans la musique”, dit-elle simplement. Actrice précoce et mannequin international, la fille de Jacques Doillon et Jane Birkin cachait donc une autre part d’elle-même, essentielle : la chanteuse.
¶ Révélée par le 45 tours I.C.U au printemps, elle annonçait déjà dans ce morceau –...voix troublante, mélodie magnétique, atmosphère vespérale – des lendemains qui chantent. Un premier EP, publié juste avant l’été, a confirmé l’intuition.
¶ Depuis des années, en secret, Lou jouait de la guitare et écrivait des chansons en anglais, sa “langue intime”. Sans Étienne Daho, mélomane insatiable et tuteur bienveillant, elle n’aurait sans doute jamais fait le grand saut. La parution de son premier album, Places, est une délivrance pour Lou Doillon et marque le début d’une nouvelle carrière. Son titre résume autant la place qu’elle peut désormais occuper sur l’échiquier musical que son parcours personnel.
¶ “Jusqu’ici, Lou était entre deux mondes, la mode et le cinéma. Avec cet album, j’ai l’impression qu’elle a enfin trouvé son monde”, constate joliment Zdar, l’homme aux mains d’argent (Phoenix, The Rapture, Beastie Boys, Cat Power…) qui a mixé le disque dans son studio parisien. “Entre Étienne Daho et Lou Doillon, c’est comme s’il y avait eu un alignement de lunes”, avance-t-il pour résumer cet album miraculeux. À l’écoute, on pense à quelques grands noms, passés ou actuels : Karen Dalton, Joni Mitchell, Feist… “Lou me fait davantage penser à une chanteuse soul que rock”, affirme Daho, qui signe là sa plus belle réalisation et des arrangements au diapason.
¶ Après I.C.U en ouverture, Devil Or Angel est la ballade d’une femme enfin affranchie, qui rappelle des souvenirs velvetiens. Un classique instantané, rien de moins. En deux titres, Lou Doillon affirme une voix et un timbre singulier. Ce n’est qu’un début. Parlant des jours tristes qui défilent à la vitesse des roulements de batterie, One Day After Another rappelle le storytelling façon Patti Smith tandis que Make A Sound, à l’immédiateté pop, parle des ailes de plomb (“Like leaded wings”) de son auteur. À l’instar de Cat Power, Lou Doillon est aussi à l’aise dans un registre acoustique (la pause diaprée Same Old Game, au mitan de l’album) que dans la soul cuivrée (Jealousy, Questions And Answers, deux passeports pour Memphis). C’est aussi à la faveur de ces rengaines plus enlevées que sa voix prend un relief particulier et fait preuve d’une souplesse déconcertante. En conclusion, deux chansons – Places, qui donne donc son titre à l’album, et Real Smart – ouvrent d’autres horizons. Le climax est à son comble, et la voix grave de Lou Doillon épouse parfaitement la majesté frissonnante d’une chorale d’enfants.
¶ Très autobiographiques, les paroles révèlent des années d’errance, une personnalité troublée (“Ce sont des complaintes qui relèvent pour la plupart de la survie”) et un caractère rebelle (Defiant, comme le souligne un titre). “J’assume ma grande fragilité féminine et, pour l’assumer, je revendique une démarche masculine. D’ailleurs, mon album est entièrement dédié à des hommes”. Un titre comme Same Old Game a valeur cathartique pour l’intéressée, qui reste fascinée par l’écriture de Leonard Cohen et la discographie de Lhasa.
¶ On pensait la connaître, mais en l’espace de quarante minutes, Lou Doillon change la donne et devient, à l’aube de ses trente ans, une auteure, compositrice et interprète hors pair.
© Lou Doillon photographiée par Studio Harcourt Paris
Lou Doillon — Places (2012) |
Lou Doillon ≈ Places
Born: 4 September 1982 in Neuilly-sur-Seine, Paris, France
Location: Paris, France
Album release: September 3, 2012
Record Label: Barclay
Duration: 40:15
Tracks:
01. ICU (4:04)
02. Devil Or Angel (4:05)
03. One Day After Another (3:51)
04. Defiant (3:16)
05. Same Old Game (2:49)
06. Jealousy (2:53)
07. Make A Sound (2:47)
08. Hushaby (3:35)
09. Questions And Answers (3:41)
10. Places (4:11)
11. Real Smart (5:03)
Website: http://loudoillon.fr/
Facebook: http://www.facebook.com/loudoillon
¶ Lou Doillon (born 4 September 1982 in Neuilly-sur-Seine) is a French model and actress. Her father is director Jacques Doillon and her mother is British actress and singer Jane Birkin.
Biography:
¶ On her mother's side she is the half-sister of Charlotte Gainsbourg and Kate Barry, and of Lola Doillon and Lily on her father's side.
¶ At the age of nine, her appearance was distinctive, with Indian leggings under short dresses, worn with Grateful Dead T-shirts and rollerblades, and long dreadlocks. By the time she was 11½, she had tattoos and a stud in her tongue.
¶ She gave birth to her first child, a son Marlowe Jack Tiger Mitchell, in 2002. She parted company with his father, musician Thomas-John Mitchell, less than a year later and went to New York.
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Lou Doillon: "La musique laisse plus de place à mon imaginaire"
¶ Par Gilles Médioni (L'Express), publié le 29/08/2012 à 11:30, mis à jour le 03/09/2012 à 10:27


La fille de Jane Birkin et du metteur en scène Jacques Doillon sort ce 3 septembre son premier album, Places, réalisé par Etienne Daho. Un disque de folk hanté et habité.
Alors, vous chantiez ?
¶ Longtemps, cela a été mon jardin secret. Des chansons écrites en anglais, au creux de la nuit ou tôt le matin, à la guitare, dans ma cuisine. Elles n'étaient pas du tout destinées à sortir de ma maison. C'était des conversations avec moi-même ou avec la personne que je n'arrivais pas à toucher. Etienne [Daho] est un ami de la famille. J'allais mal. Maman lui a demandé d'écouter mes morceaux, il les a aimés et m'a proposé d'enregistrer un album. Je lui ai d'abord dit : "Non, je n'en ai pas la force. Si j'ai les épaules pour tenir toute la journée, c'est grâce à la musique. Cela doit rester un endroit caché où personne ne peut m'atteindre."
Et vous voilà pourtant chanteuse...
¶ Etienne m'a convaincue. Mais j'ai la trouille ! C'est tellement précieux pour moi. J'entends de gentilles choses sur ce disque... Jusqu'ici j'ai tourné dans 17 films, qui se sont tous plantés. Après l'échec de Blanche (de Bernie Bonvoisin, 2002), je n'ai reçu aucun scénario en France pendant dix ans. Je suis surtout connue comme "la fille de", "la soeur de". Dans la rue, on me lance : "Qu'est-ce que j'aimais ton père !" "Oui, mais en fait Serge n'est pas mon père." "Qu'est-ce que j'aime ta soeur !" "OK, je lui dirai." Ou bien : "Aucune de vous n'est aussi belle que ta mère." Alors, je rentre chez moi, et ça devient une chanson : Questions & Answers.
C'est un disque sur le manque affectif, les tourments, la souffrance. Mais votre mélancolie est joyeuse...
¶ Oui, oui. Ce n'est pas une mélancolie pleine de mort. Certains textes parlent de la noirceur de l'amour, j'ai quand même passé mon temps à être victime des hommes. D'autres paroles sont sorties quand je n'en pouvais plus de la notoriété de ma mère et de ma soeur. Un de mes amis m'a dit : "On dirait le chant d'une vieille âme." J'ai sans doute la voix de ces femmes qui ont un trop-plein de nuits blanches, de centaines de clopes dans les poumons, d'alcool, de tristesse... Petite, j'ai eu la chance de pouvoir tout observer sans jamais être vue et de comprendre très vite la nature humaine. Enfant, ma mère me trimbalait partout et m'oubliait partout. Je marchais toujours 5 mètres derrière elle, du coup j'entendais les éloges que lui faisaient les gens quand ils la croisaient et les commentaires méchants qu'ils lâchaient une fois qu'ils l'avaient dépassée.
Qu'en avez-vous retenu ?
¶ J'ai un recul fou. A 30 ans, j'ai déjà été mégahype, mégabankable, puis out, rehype, antihype, la lose, rehype. Mon dieu, s'il fallait s'en tenir à ça ! Ma mère pensait que je serais réalisatrice ou écrivain car je passe mes journées dans les cafés à observer les gens. Mais c'est la musique qui laisse le plus de place possible à mon imaginaire.
L'album s'appelle justement Places. Comment avez-vous trouvé la vôtre sur l'échiquier familial ?
¶ Difficilement. Entre maman, la beauté androgyne, et mes soeurs : Lola (Doillon), qui ressemble à Jessica Rabbit, Kate (Barry), la plus rock d'entre nous, Charlotte (Gainsbourg), la plus mystérieuse, la plus mystique... La dernière place qu'il me restait, c'était celle de la rigolote. A 5 ans, je jouais des claquettes sur la table en tutu rose fluo. Serge était mort de rire, il m'appelait Lili Marlene. Ensuite, comme je ne me trouvais pas jolie, j'ai pensé que, pour attirer l'attention, je ferais tout comme un mec. Que je serais une intellectuelle, curieuse de tout, que je lirais 10 000 livres et parlerais deux langues couramment. Adolescente, je portais des dreadlocks et j'avais des piercings sur la langue. Pour beaucoup, j'étais une ratée. La nuit, je dévorais John Milton (l'auteur du Paradis perdu).
Ce malentendu vous a finalement donné une force incroyable ?
¶ Oui. Je viens d'une famille où l'on ne montre pas ses faiblesses. L'autre jour, je discutais avec ma mère, qui, comme beaucoup de femmes de 65 ans, découvre la solitude, et je lui ai confié : "Moi, je ne suis pas tombée amoureuse depuis trois ou quatre ans. Je me prépare à finir seule." Je suis toujours dans l'anticipation totale. C'est pour cette raison que j'aime les actrices plus que tout, et qu'elles me font peur plus que tout...
C'est-à-dire ?
¶ Comédien est un métier crapuleux, qui ne se conçoit que sur le désir de l'attente. Ce n'est pas comme ça que je fonctionne. Je me suis piratée moi-même, en tant que comédienne ! Quand je passe un casting, je veux que ce soit entendu que tout ira bien si je ne suis pas retenue. Je n'ai pas besoin d'être aimée et regardée pour avoir envie de vivre, quoique je n'aie été élevée que par des actrices.
Vous avez déjà une vie bien remplie, et vous ne le devez qu'à vous-même.
¶ Ma copine Milla Jovovich m'a dit une fois : "Est-ce que tu as conscience de ton rapport au temps ? Tu es systématiquement dans l'urgence !" J'imaginais qu'à 30 ans j'aurais déjà tourné 40 films et eu 4 enfants. C'est de l'ordre de la névrose. Je m'en rends compte aujourd'hui. J'en parlais avec mon fils Marlowe, qui a 10 ans. Il venait de rater un match de foot et était désespéré. Je lui ai assuré : "Tu verras combien l'on apprend de ses échecs. Tout reste à faire." Moi, j'ai dû me gérer à bras-le-corps, gérer mon insuccès. A une époque, j'étais même fichée à la Banque de France parce que les impôts bloquaient mes comptes. Ils ne comprenaient pas comment une fille Gainsbourg pouvait être fauchée. Mais j'étais la fille du "mauvais père". L'empire, c'est Gainsbourg-Birkin, un empire à tous les niveaux, financier, moral, de notoriété. Heureusement, je ne me suis jamais perdue. J'ai commencé à boire de l'alcool il y a quatre ans seulement. Et dire qu'on m'a labellisée rock'n'roll !
A cause de votre tempérament ?
¶ J'étais différente. En France, on confond rock et atypique. Je n'ai jamais supporté l'uniforme familial - jean-tee-shirt blanc-Converse. J'étais excentrique.
Qu'est-ce que Places vous a appris sur vous ?
¶ Lorsqu'on a eu terminé l'album, Etienne m'a chuchoté à l'oreille : "Tu n'auras plus jamais besoin de séduire, maintenant." Cette phrase m'a travaillée durant des mois.
Pourquoi ?
¶ Par rapport au métier d'acteur. C'est le jeu de la séduction qui me bloquait le plus, en tant que comédienne ou mannequin. Avec la chanson, j'ai enfin pu faire quelque chose qui soit libre de toute idée de séduction. D'ailleurs, c'était davantage des cris de guerre... J'ai un rapport païen, charnel, violent à la musique. Je pense qu'on va me découvrir différemment. La photo du single I.C.U, le clip, sont volontairement flous. Je devais passer par ce flou pour que chacun puisse se faire une image plus nette de moi.
On vous verra bientôt au cinéma dans Un enfant de toi, réalisé par Jacques Doillon, votre père.
¶ C'est l'histoire branque, mais réaliste, d'une fille qui décide d'avoir un bébé avec son amoureux, mais qui demande avant à son ex, avec lequel elle a eu un enfant, s'il est d'accord. J'avais déjà tourné dans deux films avec Jacques, mais j'étais alors dans la position d'une fille face à son papa. Là, c'était une rencontre entre deux artistes. Du coup, le dernier jour de tournage fut le pire de mon existence ! Je venais de passer des semaines extraordinaires, je me suis dit à quoi bon continuer ce métier si c'est pour ne plus jamais vivre un tel bonheur ? Jacques aussi semblait content. Il m'a posé un bisou sur le front, ce qui chez lui revient à une déclaration d'amour de 600 pages. Et, sachant que ma mère est bien plus sentimentale, il lui a envoyé un texto en lui disant combien il était fier de moi. Et maman, bien plus vicieuse que lui, me l'a "forwardé". En même temps, je ne peux pas penser une seconde qu'il l'ait crue capable de garder un secret...
¶ Places (Barclay) sort le 5 septembre. En concert à La Flèche d'or les 24 et 25 octobre.
¶ Un enfant de toi, de Jacques Doillon sort le 26 décembre.
(Fortaken: http://www.lexpress.fr)
Biographie:
¶ On pensait connaître Lou Doillon, mais on ne savait pas tout. “J’avais les meilleures raisons du monde de ne pas me lancer dans la musique”, dit-elle simplement. Actrice précoce et mannequin international, la fille de Jacques Doillon et Jane Birkin cachait donc une autre part d’elle-même, essentielle : la chanteuse.
¶ Révélée par le 45 tours I.C.U au printemps, elle annonçait déjà dans ce morceau –...voix troublante, mélodie magnétique, atmosphère vespérale – des lendemains qui chantent. Un premier EP, publié juste avant l’été, a confirmé l’intuition.
¶ Depuis des années, en secret, Lou jouait de la guitare et écrivait des chansons en anglais, sa “langue intime”. Sans Étienne Daho, mélomane insatiable et tuteur bienveillant, elle n’aurait sans doute jamais fait le grand saut. La parution de son premier album, Places, est une délivrance pour Lou Doillon et marque le début d’une nouvelle carrière. Son titre résume autant la place qu’elle peut désormais occuper sur l’échiquier musical que son parcours personnel.
¶ “Jusqu’ici, Lou était entre deux mondes, la mode et le cinéma. Avec cet album, j’ai l’impression qu’elle a enfin trouvé son monde”, constate joliment Zdar, l’homme aux mains d’argent (Phoenix, The Rapture, Beastie Boys, Cat Power…) qui a mixé le disque dans son studio parisien. “Entre Étienne Daho et Lou Doillon, c’est comme s’il y avait eu un alignement de lunes”, avance-t-il pour résumer cet album miraculeux. À l’écoute, on pense à quelques grands noms, passés ou actuels : Karen Dalton, Joni Mitchell, Feist… “Lou me fait davantage penser à une chanteuse soul que rock”, affirme Daho, qui signe là sa plus belle réalisation et des arrangements au diapason.
¶ Après I.C.U en ouverture, Devil Or Angel est la ballade d’une femme enfin affranchie, qui rappelle des souvenirs velvetiens. Un classique instantané, rien de moins. En deux titres, Lou Doillon affirme une voix et un timbre singulier. Ce n’est qu’un début. Parlant des jours tristes qui défilent à la vitesse des roulements de batterie, One Day After Another rappelle le storytelling façon Patti Smith tandis que Make A Sound, à l’immédiateté pop, parle des ailes de plomb (“Like leaded wings”) de son auteur. À l’instar de Cat Power, Lou Doillon est aussi à l’aise dans un registre acoustique (la pause diaprée Same Old Game, au mitan de l’album) que dans la soul cuivrée (Jealousy, Questions And Answers, deux passeports pour Memphis). C’est aussi à la faveur de ces rengaines plus enlevées que sa voix prend un relief particulier et fait preuve d’une souplesse déconcertante. En conclusion, deux chansons – Places, qui donne donc son titre à l’album, et Real Smart – ouvrent d’autres horizons. Le climax est à son comble, et la voix grave de Lou Doillon épouse parfaitement la majesté frissonnante d’une chorale d’enfants.
¶ Très autobiographiques, les paroles révèlent des années d’errance, une personnalité troublée (“Ce sont des complaintes qui relèvent pour la plupart de la survie”) et un caractère rebelle (Defiant, comme le souligne un titre). “J’assume ma grande fragilité féminine et, pour l’assumer, je revendique une démarche masculine. D’ailleurs, mon album est entièrement dédié à des hommes”. Un titre comme Same Old Game a valeur cathartique pour l’intéressée, qui reste fascinée par l’écriture de Leonard Cohen et la discographie de Lhasa.
¶ On pensait la connaître, mais en l’espace de quarante minutes, Lou Doillon change la donne et devient, à l’aube de ses trente ans, une auteure, compositrice et interprète hors pair.